La colère des restaurateurs, hôteliers et commerçants a écorné l’image des assureurs. Au cœur de la polémique, l’indemnisation des pertes subies par les professionnels contraints de baisser le rideau en raison de l’épidémie.

L’offensive est d’abord venue d’un bancassureur dont les parts de marché sont modestes sur la multirisque pros : les Assurances du Crédit mutuel et CIC Assurances ont annoncé qu’elles allaient verser une « prime de relance mutualiste » forfaitaire à leurs assurés professionnels pour les aider à faire face à la crise. Un geste commercial qui a relancé le débat sur l’interprétation juridique des contrats, au grand dam des compagnies et des distri­buteurs.En effet, comment expliquer aux clients qu’en dépit des déclarations de la profession sur la non-assurabilité de la pandémie, certains assureurs couvrent malgré tout les pertes d’exploitation ? La réponse réside dans la rédaction des différents contrats commercialisés. « Les risques qui n’étaient pas couverts contractuellement ne peuvent pas être indemnisés. En revanche, certains contrats d’assurance prévoient la prise en charge des pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative d’activité ou de dommages non matériels », a expliqué, le 6 mai dernier, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.

1. Définition

Lorsqu’un sinistre couvert par votre garantie perte d’exploitation entraîne une interruption de l’activité, votre assureur vous verse indemnité destinée à compenser la baisse de chiffre d’affaires. Autrement dit, en cas d’incendie, de catastrophe naturelle, de vol ou encore de bris de machine (matériel endommagé ou détruit), souscrire une assurance perte d’exploitation vous permet de relancer votre activité dans de bonnes conditions ! Cette garantie est destinée à tous les professionnels dont les locaux, le matériel et/ou la marchandise sont exposés à des risques de dommages.

Quels sont les risques pour mon activité ?

Perte d’exploitation et types de risques : incendie, inondation…

En matière de risques liés à la perte d’exploitation, l’incendie ou le dégât des eaux ne sont pas les seules menaces à prendre en compte. Le ralentissement de votre activité peut être lié à de nombreuses causes. Protéger votre entreprise doit faire partie de vos premières préoccupations, il est essentiel que vous mesuriez régulièrement les risques liés à votre activité et que vous ayez souscrit à une protection adaptée.

« Aujourd’hui, seule 1 entreprise sur 2 redémarre son activité à la suite d’un sinistre incendie, faute d’une couverture assurance suffisante ». (Source : Guide sinistre en Entreprise, CCI La Rochelle).

En effet, suite à un sinistre, il faut compter dans le meilleur des cas, sur une bonne séance de nettoyage, mais selon la gravité des dégâts, le montant des frais de renouvellement de matériel ou de rénovation du local peut vite grimper. Pendant ce temps, votre commerce fonctionne au ralenti et entraîne une perte de chiffre d’affaires.

Un seul mot d’ordre pour protéger votre commerce des menaces et préserver votre trésorerie : être proactif !

2 . Ce que couvre une assurance « perte d’exploitation »

Les dommages couverts par la garantie de base

La garantie des pertes d’exploitation permet à l’entreprise de compenser les effets de la diminution du chiffre d’affaires et de faire face à ses charges fixes en couvrant les frais généraux permanents (amortissements, impôts et taxes, loyers, rémunération du personnel, intérêts d’emprunt, etc.). Dans le cadre d’un contrat d’assurance multirisque commerce, cette garantie s’applique toujours pour les dommages suivants :

  • incendie ;
  • explosion ;
  • foudre ;
  • fumées ;
  • choc de véhicule ;
  • incident électrique ;
  • tempête ;
  • grêle / poids de la neige /gel ;
  • dégât des eaux ;
  • débordement en cours d’eau ;
  • catastrophes naturelles ;
  • vandalisme / attentats et actes terroristes.

Elle peut également prendre en compte les coûts d’exploitation exceptionnels entrepris pour modérer la baisse du chiffre d’affaires : frais de transport, location de matériel de remplacement, local provisoire, frais de publicité ou encore sous-traitance (en attendant de pouvoir utiliser de nouveau son outil de production).
 

3. Pourquoi les frais de perte d’exploitation ne sont pas couverts dans le cas de la pandémie de Covid-19 ?

L’assurabilité d’un risque repose sur deux piliers principaux : la mutualisation et l’aléa.

En ce qui concerne une pandémie :

  • son caractère systémique et global empêche toute mutualisation puisque tout le monde est touché en même temps.
  • quand un gouvernement prend une décision de fermeture d’entreprises on ne peut pas parler d’aléa.
  • enfin, les conséquences économiques de cette situation dépassent largement les capacités des assureurs.

C’est pourquoi la quasi-totalité des contrats couvrant les entreprises excluent ce risque

Les autres dommages couverts par les options  

Le matériel, le local et la marchandise

La perte d’exploitation consécutive à d’autres dommages n’est pas toujours indemnisée par la garantie perte d’exploitation de base. Demandez à votre assureur si votre contrat comprend une protection contre :

  • Le vol ;
  • Le bris de matériel ;
  • L’arrêt du froid ;
  • Le bris de glace.

Même si votre contrat multirisque vous protège contre le bris de glace (la vitrine de votre commerce par exemple), il ne vous indemnisera pas forcément en cas de perte d’exploitation subie à la suite du sinistre.

Les carences de fournisseur

Il existe des options qui vous permettent de renforcer votre protection contre la perte d’exploitation, telle que l’option « carence de fournisseurs » afin de pallier à une carence accidentelle :

  • d’eau ;
  • d’électricité ;
  • de gaz ;
  • de réseau téléphonique ;
  • d’internet ;
  • de fournisseurs de matières premières et emballages.
Les décisions administratives

Vous avez également la possibilité de demander à votre assureur une protection supplémentaire contre les décisions administratives pouvant avoir un impact négatif sur votre Chiffre d’Affaires telles qu’une fermeture administrative (si vous n’en êtes pas la cause) ou bien des travaux de voirie.

Seulement 2 exclusions :

  • Le non-respect des normes sanitaires et d’hygiène
  • Les conséquences des maladies contagieuses humaines ou animales [Actualité 17/03/2020 : Coronavirus Covid-19 : voir l’article]

4. Quelle position adopter ?

Dans ce contexte troublé, les intermédiaires, en première ligne, peinent à adopter une position claire. D’autant que le gouvernement, face à la bronca générale, met la pression sur les assureurs afin qu’ils renforcent les gestes envers les chefs d’entreprise. « Dès que les politiques prennent la parole sur la perte d’exploitation, cela entraîne un afflux d’appels et de mails. Et quand certains grands acteurs (MSI, bancassureurs…) font des effets d’annonce, cette cacophonie devient insupportable », témoigne Christophe Caille, agent général Allianz et président du syndicat Mag 3. Un désarroi partagé par les courtiers. « Nous sommes très inquiets pour l’avenir du courtage. La situation est préoccupante, notamment à cause de la question de la perte d’exploitation sans dommages et de cette cacophonie qui règne sur la place entre les assureurs mutualistes, les bancassureurs et les assureurs traditionnels », renchérit Bertrand de Surmont, président de Planète CSCA.

Le geste commercial du Crédit mutuel-CIC a fait des émules : Crédit agricole Assurances, Société générale Assurances et MMA ont annoncé le versement d’aides du même type, alors que leurs garanties excluent la pandémie. « Face à la situation financière extrêmement difficile de certaines entreprises, les explications du secteur de l’assurance sont inaudibles, ce qui permet à certains d’en rajouter et de profiter de cette situation pour mettre en place des mesures placebo qui laissent penser qu’ils peuvent régler la situation », déplore Patrick Evrard, président d’Agéa, la fédération des syndicats d’agents généraux.

Face à la confusion générale, l’ACPR s’est emparée du sujet en lançant une enquête thématique visant à faire un état des lieux des contrats et de leurs garanties afin d’y voir plus clair. La situation a révélé la nécessité de rendre ces garanties plus lisibles. Mais aussi de se pencher sur la généralisation de cette couverture. La garantie contre la perte d’exploitation ne fait, en effet, pas partie des assurances obligatoires en France. « Aujourd’hui, une entreprise sur deux a souscrit une garantie contre les pertes d’exploitation. Parmi celles-ci, une sur cinq a souscrit une garantie pertes d’exploitation sans dommages », relève Jacques de Peretti. Une chose est sûre : de par l’ampleur des pertes (évaluées à 60 Md€), l’indemnisation ne pourra pas être portée par les seuls assureurs.